Laissons-le se présenter :

" J’ai eu le sentiment qu’après Picasso on ne pouvait plus peindre ! Donc, j’ai été écrasé par ce monstre. Pour moi, c’est le plus grand peintre de toute l’Histoire et si je suis devenu artiste c’est sûrement à cause de lui et c’est aussi à cause de lui que j’ai renoncé à peindre ...
Le dessin est une chose plus simple, il peut être comme une chose intemporelle. Moi, j’essaie que les dessins soient investis et il y a bcp de choses qui passent par ce que je dessine et de la
façon dont je le dessine. Et il n’y a qu’avec la technique de la sérigraphie, du papier, que je pouvais charger mon travail d’une qualité de dessin particulière. Le papier, et même le fusain on
peut dire, parce que le fusain c’est du bois brûlé.
Paris - Commune 1971
C’est en réfléchissant sur la Commune que j’ai trouvé la solution à ce que je veux dire, à cette espèce de relation avec
les lieux. J’étais invité à une exposition sur le thème de la "semaine sanglante" de la Commune et très vite il m’est apparu qu’il y avait une espèce de contradiction de présenter dans une
galerie une exposition sur la Commune de Paris et que, naturellement, il fallait l’inscrire dans les lieux, dans le réel, dans l’espace réel.
Donc j’ai fait une image de gisant qui était nourrie de plein de choses, même des morts de la Commune - car il y a des photos des morts de la Commune. C’est la première fois que j’ai trouvé cette
technique de très grande sérigraphie, la première fois que j’ai fabriqué un écran de 2,50 m pour imprimer ça ; c’était dans le Vaucluse. J’ai collé ça dans des lieux qui avaient un lien direct
avec la Commune, comme la Butte aux Cailles, le Père Lachaise, près du mur des Fédérés, le Sacré-Cœur,
puis des lieux liés au combat pour la liberté, disons en gros, donc la libération de Paris, et des lieux liés à la guerre d’Algérie, notamment les quais de Seine d’où on a jeté des algériens
en 61.
C’est là que j’ai compris comment, en inscrivant mes images dans un lieu, je stigmatisais les lieux en quelque sorte.
Je prenais le lieu à la fois - c’est le cas au métro Charonne - comme un objet plastique, c’est-à-dire ce trou dans la ville, ce qu’il infligeait aux images, cette espèce de rupture des corps
collés sur les marches, cette espèce de violence qui était faite à l’image et en même temps pour ses qualités symboliques, le souvenir des morts du métro Charonne…
Il y avait peu ce type d’intervention dans la rue, et encore en 66 quand j’ai fait des pochoirs en Provence.
Mon travail n’est pas un refus des galeries, du marché de l’Art et tout ça, le moteur n’est pas ça : c’est d’utiliser vraiment le lieu réel, le lieu du
quotidien, pour le potentiel poétique et suggestif qu’il porte.
Au fond, la proposition plastique, ce n’est pas mon dessin, c’est plutôt ce que propose le dessin, une façon d’utiliser le réel comme matériau poétique.
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Bientôt, la suite...