Souvenons-nous que l'artiste avait rencontré Nelson Mandela (voir suite 2) et que l'Afrique du Sud lui tenait à coeur. Il s'y rend ensuite plusieurs fois alors que le pays est ravagé par le sida.
Soweto - Warwick. 2002
" Je suis allé plusieurs fois en Afrique du Sud. J'ai été invité à faire des conférences sur mon travail et partout, à Prétoria, Le Cap, Johannesburg, Durban, on m'a dit "avec ce que vous faites, il faut travailler avec nous sur le sida".
Alors j'ai fait un "voyage sida". J'ai vraiment fait un voyage dans les cliniques, les hôpitaux, j'ai renconré les mécecins, les associations, tout le monde. Et l'image est venue de ces voyages, de ces rencontres.
Il y avait le sentiment que pour vaincre la maladie il fallait réussir à en faire une grande cause nationale, lutter contre la maladie comme on avait lutté contre l'apartheid, assimiler, superposer les deux luttes.
J'ai bâti mon dessin de manière à ce qu'en voyant mon image sur le sida on pense à Hector Pieterson, jeune garçon tué en 1976 (lors d'un soulèvement étudiant à Soweto la police avait tiré sur les jeunes protestataires et le cadavre d'Hector Pieterson, 12 ans, avait été porté en tête de manif par l'une de ses camarades. Cette photo a fait le tour du monde).
Cette photo était devenue l'emblème de la lutte contre l'apartheid.
Et puis les rencontres imposaient aussi essentiellement le rôle des femmes : tous
sont persuadés que s'ils arrivent à éradiquer la maladie, ce sera grâce aux femmes et à leur rôle dans la société. Donc mon dessin est bâti sur cette idée : la femme qui est là peut être aussi
bien la mère, la soeur, l'infirmière, la fiancée : elle est bâtie comme le pilier du dessin, qui s'appuie complètement sur elle. Elle est comme une colonne, bien trop grande. Elle a des mains
deux/trois fois trop grandes (et les gens croient que je fais des trucs trop réalistes !). Tout repose, comme ça, sur elle.
J'ai choisi les lieux selon ce qu'ils portaient de désir de vie, avec les gens du quartier de Soweto, des lieux où il y avait des enfants, des lieux de vie quotidienne, avec un potentiel de vie très, très fort. Voilà.
Intervenir comme ça dans les lieux de la vie sociale, de la vie quoi, fait que l'oeuvre a un autre type de résonnance. Je ne veux pas dire que c'est mieux, mais l'expérience de la rencontre est vécue différemment : elle est vécue comme une expérience personnelle, pas du tout comme dans un musée ou une galerie. Le fait que je travaille les personnages grandeur nature y contribue aussi. Il y a autre chose : presque une espèce d'identification, quelque chose qui va dans ce sens.
(Suite 8, bientôt)