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23 décembre 2009 3 23 /12 /décembre /2009 09:50



Pour se sortir de très fortes lectures, on a parfois besoin d'un peu de légèreté, comme d'un jambon-purée après des agapes. Un polar remplit bien ce rôle, s'il n'est pas trop gore, bien écrit et/ou bien traduit.

Michael Connelly
Michael Connelly est une valeur sûre, son écriture est exigeante et ses thèmes souvent très originaux (que l'on se souvienne de "Créance de sang" adapté à l'écran par Clint Eastwood).
Loin d'avoir tout lu, j'ai été aimantée par un titre alléchant de 1997 que j'avais manqué et dont j'étais impatiente de vérifier s'il allait répondre à mes attentes :  "Le poète"... Hé bien, oui, et même au-delà !

Pour tous les flics de la police de Denver, l'un des leurs, Sean McEvoy, s'est suicidé d'une balle dans la tête. Jack se souvient de la théorie de Sean sur le "seuil limite"  à propos des cadavres : 

" Chaque flic avait une limite, mais cette limite lui était inconnue jusqu'à ce qu'il l'atteigne... Il était persuadé qu'un flic ne pouvait en supporter qu'un certain nombre et que ce nombre variait en fonction de chacun. Certains atteignaient rapidement la limite. D'autres assistaient à vingt morts violentes sans même l'approcher. Mais pour tout le monde, il y avait un seuil. Et quand celui-ci était atteint, c'était fini. On demandait sa mutation aux archives, ou on rendait son insigne : il fallait que ça change, car on ne se sentait plus capable de voir un cadavre de plus. Et si jamais ça se produisait, si on dépassait sa limite, on était dans de sales draps. On risquait d'avaler le canon de son flingue. Voilà ce que disait Sean. "

Mais Jack va vite douter du suicide, de par sa double qualité de frère jumeau du mort et de journaliste, car un mot, tout à fait inhabituel et énigmatique, laissé près du cadavre amène Jack à flairer les pistes d'autres décès de flics qui ne s'étaient, contrairement aux apparences et aux conclusions des enquêtes, sans doute pas suicidés : à côté de tous avaient été trouvés des messages qui se révèlent être des extraits ... de poèmes d'Edgar Poe !

C'est là que Michael Connelly (né en 1957, c'est la lecture de Chandler qui l'a incité à l'écriture de thrillers) démontre toute sa maestria. Bien sûr, il décrit le déroulement de l'enquête, au cours de laquelle s'affrontent les deux démarches souvent antagonistes policiers/journalistes, mais il permet vite au lecteur, dont il titille crescendo la curiosité, de pénétrer le mental abîmé d'un possible assassin en donnant à écouter son monologue intérieur.

Très fort, ce Connelly : mine de rien, sans longues analyses digressives qui nuiraient au cursus de notre lecture, il se démontre sociologue, psychologue, fin lettré et sans aucun doute admirateur d'Edgar Allan Poe.
Pour qui aime Poe, aussitôt refermé ce polar, l'incitation est forte de relire les poèmes, beaucoup moins connus que la plupart des Histoires, sauf peut-être "The raven" (Le corbeau), mais tout aussi remarquables  

A propos d'Edgar Poe, c'est un plaisir de lire cet article de Tiers Livre, le blog de François Bon  :
http://www.tierslivre.net/spip/spip.php?article1315

                                                Edgar Allan POE
                                                                                           Le Lac

Au printemps de ma jeunesse, ce fut mon destin
De fréquenter, sur la large terre, un endroit
Que je ne pouvais pas moins aimer,
Si charmante était la solitude
D'un lac sauvage, entouré de rochers noirs
Et de hauts pins qui se dressaient au-dessus.
Mais quand la nuit avait jeté son manteau
Sur cet endroit comme sur tout
Et que le vent passait sur moi
Dans sa mélodie tranquille,
Mon esprit d'enfant s'éveillait
A la terreur du lac solitaire.
Pourtant cette terreur n'était pas de l'effroi
Mais un délice tremblant
Et un sentiment indéfini,
Jaillissant d'un esprit assombri.
La mort était dans cette vague empoisonnée,
Et dans son gouffre était une tombe qui convenait
A celui qui par là pouvait apporter une consolation
A ses sombres imaginations,
Dont la pensée pouvait même faire un Eden de ce lac confus.

En évoquant Poe, on ne peut manquer de rendre hommage à son traducteur le plus fin, Charles Baudelaire, dont l'esprit tourmenté mais lucide lui était sans doute fraternel.
Mon "Histoire" de prédilection est  " Le Domaine d'Arnheim " (dont je reparlerai peut-être bientôt) : 


«Dans the Domain of Arnheim, il affirmera que les quatre conditions du bonheur sont: la vie en plein air, l'amour d'une femme, le détachement de toute ambition et la création d'un Beau nouveau.»
  disait Baudelaire, parisien, amant de plusieurs femmes dont on doute qu'une seule l'aimât vraiment, conscient de la qualité de son oeuvre et acharné à la publier, mais bien créateur de Beau nouveau , ça oui !

Bonnes lectures !

                                                                               







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