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10 août 2010 2 10 /08 /août /2010 11:53

 

Dans la cacophonie mondiale s'élèvent parfois des voix aussi rares que précieuses et, lorsqu'elles se taisent, cela fait un silence étourdissant !

 

Ainsi, l'historien britannique Tony JUDT s'est tu le 6 Août à New York où il enseignait ...

 En Mai dernier, il livrait sa réflexion sur le monde et les guerres actuelles des "identités nationales" ( Cet article fait partie d'une série de textes personnels que Tony Judt a publiés dans la "New York Review of Books") :

  

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L'"identité" est un mot dangereux. Il ne connaît plus d'usage respectable. En Grande-Bretagne, les pontes du néotravaillisme, non contents d'avoir installé plus de caméras de surveillance que dans aucune autre démocratie, ont voulu (jusqu'ici en vain) saisir comme prétexte la "guerre contre le terrorisme" pour imposer la carte d'identité obligatoire. En France et aux Pays-Bas, le "débat public" fabriqué de toutes pièces sur l'"identité nationale" n'est que le masque transparent d'une exploitation politique du sentiment anti-immigrés et un subterfuge grossier pour désamorcer les inquiétudes nées de la situation économique en faisant des minorités un bouc émissaire. En Italie, en décembre dernier, la politique de l'identité s'est réduite, dans la région de Brescia, à des perquisitions systématiques visant à débusquer des Noirs indésirables : les autorités locales, sans aucune honte, avaient promis à la population un "Noël blanc"

Le mot connaît des usages non moins pervers dans le monde universitaire. Les étudiants d'aujourd'hui peuvent choisir parmi une ribambelle de domaines d'études identitaires : "études féministes", "études du genre et de l'identité sexuelle", "études sino-américaines", voire "études sur les Américains originaires de la zone Pacifique", et des dizaines d'autres encore. Le défaut de tous ces programmes d'études pseudo-universitaires, ce n'est pas qu'ils se concentrent sur telle ou telle minorité sexuelle, ethnique ou géographique, c'est qu'ils encouragent les membres de cette minorité à n'étudier qu'eux-mêmes, ce qui non seulement sape l'objectif même d'une éducation humaniste mais renforce la mentalité sectaire et les réflexes de ghettoïsation qu'ils prétendent éradiquer. Trop souvent, ces filières n'offrent à leurs étudiants qu'un débouché professionnel autarcique et ne visent qu'à se perpétuer en vase clos, décourageant activement tout élargissement des horizons. Les Noirs étudient les Noirs, les homosexuels étudient les homosexuels et ainsi de suite...

 

Ce bain identitaire m'est resté étranger

 Comme souvent, le goût universitaire se contente de suivre la mode. Ces filières ne sont que le produit d'un solipsisme communautaire. Aujourd'hui, nous avons tous une double identité : Irlando-Américains, Afro-Américains, Amérindiens... La plupart des gens, aux Etats-Unis notamment, ne parlent pas la langue de leurs ancêtres et ne connaissent pas grand-chose de leur pays d'origine, surtout si leur famille vient d'Europe. Pourtant, dans le sillage d'une génération qui a revendiqué sa victimisation, ils arborent le peu qu'ils en connaissent comme une marque d'identité : nous sommes ce que nos grands-parents ont souffert. Dans cette concurrence des victimes, les juifs occupent une place particulière. Bien des juifs américains sont hélas coupés de leur religion, de leur culture, de leur langue et de leur histoire. Mais ils ont entendu parler d'Auschwitz, et cela leur suffit.

Le réconfort de ce bain identitaire m'est toujours resté étranger. J'ai grandi en Angleterre, et c'est en anglais que je pense et que j'écris. Londres, ma ville natale, me demeure familière malgré tous les changements qu'elle a connus au fil des décennies. Je connais bien le pays, j'en partage même certains préjugés et préférences. Mais quand je pense aux Anglais, quand je parle des Anglais, j'emploie spontanément la troisième personne : je ne m'identifie pas à eux. Si j'ai cette réaction, c'est peut-être en partie parce que je suis juif : dans ma jeunesse, les juifs constituaient la seule minorité importante d'une Grande-Bretagne chrétienne, et faisaient l'objet d'un préjugé culturel ténu mais indéniable. En revanche, mes parents se tenaient à l'écart de la communauté juive. Ma famille ne célébrait pas les fêtes juives (j'ai toujours connu le sapin de Noël et les oeufs de Pâques), ne suivait pas les prescriptions des rabbins et ne s'identifiait au judaïsme que lors du dîner du vendredi avec mes grands-parents. Grâce à ma scolarité anglaise, je connaissais mieux la liturgie anglicane que les rites et les pratiques du judaïsme. Ma jeunesse juive a donc été fort peu juive.

Cette relation oblique à l'anglicité découlerait-elle du fait que mon père est né à Anvers ? Peut-être, mais lui-même était dépourvu d'"identité" au sens conventionnel du terme : il n'était pas citoyen belge, mais fils d'immigrés apatrides qui avaient fui la Russie tsariste. Ses parents étaient nés dans ce que nous appellerions aujourd'hui la Pologne et la Lituanie. Mais aucun de ces Etats, une fois constitués, n'aurait accordé le moindre égard - et encore moins la citoyenneté - à un couple de juifs belges. Et quoique ma mère (comme moi) soit née dans l'East End de Londres, ce qui faisait d'elle une authentique cockney, ses parents étaient originaires de Russie et de Roumanie, deux pays dont elle ignorait tout jusqu'à la langue. Comme des centaines de milliers d'immigrés juifs, ils communiquaient en yiddish, une langue dont leurs enfants ne pouvaient guère faire usage.

 

Ni anglais ni juif

Ainsi, je n'étais ni anglais ni juif. Et pourtant, j'ai l'impression viscérale d'être - de façon différente et à des moments différents - les deux à la fois. Peut-être ce genre d'identification génétique a-t-il moins d'importance que nous ne lui en accordons ? Et que dire des affinités électives que j'ai acquises au fil des années ? Dois-je me considérer comme un historien de la France, voire un historien français ? Certes, j'ai étudié l'histoire de France et je parle bien français, mais contrairement à la plupart de mes confrères, spécialistes anglo-saxons de la France, je ne suis jamais tombé amoureux de Paris, qui m'a toujours inspiré des sentiments mêlés. On m'a accusé de penser et même d'écrire comme un intellectuel français, compliment empoisonné s'il en est. Mais les intellectuels français, à quelques glorieuses exceptions, me laissent froid : voilà un club dont je me laisserais volontiers exclure.

Et qu'en est-il de mon identité politique ? Fils d'autodidactes juifs, j'ai grandi dans l'ombre de la révolution russe et j'ai acquis très jeune une certaine familiarité avec les grands textes du marxisme et l'histoire du socialisme - superficielle peut-être, mais suffisante pour me vacciner contre les excès du gauchisme des années 1960 et m'enraciner dans le camp social-démocrate. Aujourd'hui, en tant qu'"intellectuel et homme public" (encore une étiquette assez vaine), je suis associé à ce qui reste de la gauche.

Pourtant, dans le monde de l'université, bien des collègues me considèrent comme un dinosaure réactionnaire. C'est tout à fait compréhensible : j'enseigne l'héritage textuel d'Européens morts et enterrés ; je supporte mal que "l'expression personnelle" remplace la clarté du raisonnement ; je considère l'effort comme un piètre substitut au résultat ; j'estime que ma discipline doit s'appuyer avant tout sur des faits et non de la "théorie" ; et je reste souvent sceptique face à ce qu'on appelle aujourd'hui la "recherche" historique. Selon les critères universitaires en vigueur, je suis un incorrigible conservateur. Alors comment me définir ?

Spécialiste de l'histoire européenne, né en Angleterre et enseignant aux Etats-Unis ; juif mal à l'aise avec la "judéité" telle qu'on la conçoit généralement dans l'Amérique contemporaine ; social-démocrate souvent en porte-à-faux avec mes collègues qui s'autoproclament radicaux, je devrais sans doute puiser quelque réconfort en me revendiquant "cosmopolite sans racines", cette insulte si familière. Mais l'expression me semble trop imprécise, trop délibérément universelle dans la portée qu'elle se donne. Loin d'être sans racines, je ne suis que trop enraciné dans une multitude d'héritages contrastés.

 

Je préfère les marges et les bordures

D'ailleurs, ce genre d'étiquette me procure toujours un certain malaise. Nous connaissons trop bien les mouvements idéologiques et politiques pour ne pas nous méfier de toute solidarité fondée sur l'exclusion de l'autre. Il faut se tenir à distance des "-ismes" les plus répugnants - le fascisme, le chauvinisme, le racisme - comme d'autres potentiellement plus attrayants : le communisme, bien sûr, mais aussi bien le nationalisme et le sionisme. Sans parler de la fierté nationale : plus de deux siècles après la célèbre remarque de Samuel Johnson, le patriotisme - comme peut en témoigner quiconque a passé les dix dernières années aux Etats-Unis - demeure le dernier refuge de la canaille.

Moi je préfère les marges et les bordures : ces lieux où les nations, les communautés, les allégeances, les affinités et les racines se frottent parfois âprement les unes aux autres, où le cosmopolitisme est moins une identité qu'une évidence et un mode de vie. Naguère, le monde regorgeait de tels lieux. Jusqu'à la fin du XXe siècle ou presque, nombreuses étaient les villes englobant une pluralité de communautés et de langues sujettes aux frictions et aux antagonismes, parfois même aux conflits, mais qui malgré tout coexistaient. Sarajevo en fut un exemple, de même qu'Alexandrie. Tanger, Salonique, Odessa, Beyrouth et Istanbul entraient toutes dans cette catégorie, tout comme des villes plus modestes telles que Czernowitz et Oujgorod. Selon les critères du conformisme américain, New York possède certains aspects de ces villes cosmopolites d'antan : voilà pourquoi j'ai choisi d'y vivre.

Assurément, il y a quelque complaisance à se prétendre toujours aux marges, toujours en marge. Une telle affirmation n'est possible que si l'on jouit de certains privilèges très précis. La plupart des gens, la plupart du temps, préfèrent ne pas se singulariser : c'est trop risqué. Si tout le monde est chiite, mieux vaut être soi-même chiite. Dans un Danemark où tout le monde est grand et blond, qui "choisirait" d'être petit et basané ? Même dans une démocratie ouverte et tolérante, il faut une certaine obstination pour aller délibérément à contre-courant de sa communauté, surtout si elle est restreinte.

Mais si l'on est né au croisement de plusieurs marges et que - grâce aux singularités institutionnelles de la carrière universitaire - on est libre d'y rester, cela me paraît offrir un point de vue particulièrement avantageux : que peuvent-ils connaître de l'Angleterre ceux qui ne connaissent que l'Angleterre ? Si l'identification à une communauté d'origine était cruciale pour définir mon identité, j'hésiterais peut-être à critiquer aussi vertement Israël, l'"Etat juif", "mon peuple". Les intellectuels dotés d'un sentiment plus développé d'appartenance organique pratiquent instinctivement l'autocensure : ils réfléchissent à deux fois avant de laver leur linge sale en public.

 

Nous entrons dans une ère de chaos

Contrairement au regretté Edward Said, je crois éprouver une certaine compréhension, et même de l'empathie, à l'égard des gens pour qui cela a un sens d'aimer un pays. Je ne considère pas un tel sentiment comme inconcevable, simplement je ne le partage pas. Mais, au fil des années, toute loyauté farouche et inconditionnelle - envers un pays, un Dieu, une idée ou un homme - a fini par me terrifier. La civilisation, ce vernis si mince, repose sur une croyance peut-être illusoire en notre humanité commune. Mais, si illusoire fût-elle, nous ferions bien de nous y accrocher. Car c'est justement cette croyance, et les restrictions qu'elle impose à nos dérives, qui est la première victime en cas de conflit ou de guerre civile.

Nous entrons, je le crains, dans une ère de chaos. Il n'y aura pas que les terroristes, les banquiers et le climat pour faire voler en éclats notre sentiment de sécurité et de stabilité. La mondialisation elle-même - cette "terre plate" qui hante les fantasmes utopiques de paix universelle - va devenir une source de peur et d'incertitude pour des milliards d'êtres humains, qui quêteront la protection de leurs dirigeants. Les "identités" prendront un tour mesquin et crispé à mesure que les indigents et les déracinés frapperont aux portes closes et aux murailles infranchissables de communautés privilégiées et autarciques, de Delhi à Dallas.

Etre danois ou italien, américain ou européen ne sera plus simplement une identité, mais un rejet et un reproche pour tous ceux qui en sont exclus. L'Etat, loin de disparaître, va peut-être enfin jouir de son plein pouvoir : les privilèges de la citoyenneté, les droits de résidence garantis par un titre de séjour seront brandis comme autant d'armes politiques. Les démagogues intolérants des démocraties existantes exigeront des "tests" - de culture, de langue, d'attitude - pour décider si les immigrés, dont c'est le seul espoir, méritent l'"identité" britannique, néerlandaise ou française. C'est déjà le cas. Dans ce meilleur des siècles, ils nous manqueront, les tolérants, les marginaux : le peuple des marges. Mon peuple.

 """

 

  

 

 

 

 

 

 

 

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8 août 2010 7 08 /08 /août /2010 19:02

 

Quand on sort d'une 4ème relecture de Proust, on parcourt du doigt avec circonspection les ouvrages serrés sur les étagères de sa bibliothèque où l'on ne trouve finalement rien de bon à se mettre sous la dent dans l'immédiat... Il faut une cassure nette.

 

Je n'ai pas envie de me confronter en ce Dimanche d'Août aux flots de touristes arpentant le Marais pour rejoindre les " Cahiers de Colette " et comme j'ai la chance d'avoir tout près de chez moi une très bonne librairie : " Le Comptoir des Mots ", j'y fonce, sans idée préconçue de ce que je vais bien pouvoir en rapporter.

 

Tiens, un Florence Delay de Février 2010 chez Gallimard m'avait échappé malgré son titre, accrocheur pour une fumeuse, " Mes cendriers " dont la quatrième de couverture me paraît prometteuse : "Ode à la tabagie ou élégie aux cendres ? Portrait du temps qui fuit, qui part en fumée ? Mes cendriers est un livre inclassable...autoportrait où les cendriers servent de miroir." Je prends.

 

J'ajoute un Jean Rouaud que, vu son titre "Evangile (selon moi) ", j'avais évité à sa sortie en Mars 2010 du fait de ma grave allergie aux bondieuseries, ceci malgré mon attachement à l'auteur dès son premier opus en 1990 " Les champs d'honneur ", que j'avais plébiscité et "primé" avec enthousiasme bien avant qu'il obtienne le Goncourt !

Quand on aime un auteur, on ne résiste pas longtemps, alors je prends aussi.

 

Pour faire bonne mesure et pour la beauté attendue du titre : " Dans la forêt de Bavière ", je prends aussi cet Adalbert Stifter, dont je n'ai lu que " Brigitta " (chez le regretté Fourbis...) et le superbe " L'arrière-saison "(Gallimard).

 

Pressentant que ces trois ouvrages requerront un certain sérieux auquel je ne suis pas prête, je cueille à la dernière minute un noir d'un auteur irlandais inconnu de moi, Gerard Donovan :

" Julius Winsome " dont la 4ème de couverture me convainc ; c'est juste ce qu'il me faut pour une totale diversion de Proust :

 " Julius Winsome vit seul avec son chien, Hobbes (!), au fin fond du Maine le plus sauvage. Eduqué dans le refus de la violence et l'amour des mots, ce doux quinquagénaire ne chasse pas, contrairement aux hommes virils de la région. Il se contente de chérir les milliers de livres qui tapissent son chalet. La vision de Hobbes ensanglanté et mourant le changera en tueur fou..."

 

Julius-Winsome.jpg

Calée dans mon fauteuil d'osier sur le balcon, j'ai avalé goulûment les quelques 250 pages de ce bijou noir avec deux cafés idem.

 

Julius vit très isolé dans les collines glacées du Maine du Nord (cf Stephen King !) dans le chalet de sa mère morte en couches. Il a hérité de son grand-père les récits de la première guerre mondiale et un redoutable fusil Enfield et de son père, grand lecteur, trois mille deux cent quatre-vingt-deux livres reliés de cuir qui font tout son bonheur, malgré le vacarme des tirs des chasseurs dans la forêt toute proche ("chasseurs, gros cons").

 

Un après-midi d'Octobre, tout bascule, de l'amour dans la folie, la vengeance et la mort.

 

Premier roman paru en France, dont le style est d'une parfaite concision, en adéquation avec les coups de feu qui claquent à la première et à la dernière page.

 

Je n'oublierai pas Julius, mais je peux maintenant passer des forêts du Maine à la forêt de Bavière !

                                                                         

 

 

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15 juillet 2010 4 15 /07 /juillet /2010 10:46

A quelques tours de roues de Toulouse se situe, dans le Gers, un petit village ancien plein de charme dont on tombe carrément amoureux : Sarrant ...

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... petit village extraordinaire qui comptait au Moyen Age quelques 1.700 habitants. Il n'en compte aujourd’hui que bien peu, mais suffisamment pour conserver intacte cette atmosphère si particulière.

Petit village concentrique, resserré autour de son église, que seulement trois rues viennent découper : la première, circulaire, reprend l’ancien tracé des fossés, la seconde, semi-circulaire, traverse le village, tandis que la dernière, toute droite, longe l’église.

 

Il a succédé à un habitat du haut Moyen-Âge, édifié sur un site antique situé sur la voie romaine Toulouse-Lectoure et figure sur les cartes de l’Empire romain, sous le nom de Sarrali. Cette origine antique a été confirmée, en 2004, par la découverte d’une tombe en bâtière, couverte de tegulae, antérieure au IVe siècle.

 

Au XVIe siècle, Sarrant est une paroisse prospère comptant presque 2 000 âmes, dont 400 environ vivent dans l’enceinte. La ville s’est développée principalement autour de la culture du blé, de la vigne et de l’élevage des brebis. L’artisanat est dominé par les métiers du tissage de la laine et du lin. Pendant les guerres de religion, la communauté subit attaques et pillages. En 1590, Sarrant est occupé, sa tour endommagée. La ville est libérée contre une importante rançon, payée en mettant en gage l’argenterie de l’église, ce qui a évité sa destruction.

Fait remarquable, probablement unique en Gascogne, une importante confrérie de musiciens, dont beaucoup sont aveugles, s’est développée au cours du XVIe siècle. Entre 1580 et 1640, plus d’une centaine de musiciens, violons, vielles, tambourins à cordes et flûtes, ont été recensés. Les maîtres violons de Sarrant forment des apprentis venus de tout le pays, du Béarn, du Pays basque, ainsi que du Roussillon, alors espagnol.

 

Le XVIIe siècle est marqué par la terrible épidémie de peste bubonique de 1628-1631 qui y fera une centaine de morts.

 

La République naissante a eu beaucoup de mal à se faire accepter, les excès du pouvoir en place ont été mal vécus par une population attachée aux traditions et de nombreux Sarrantais sont entrés en résistance, défiant les autorités républicaines qui qualifient Sarrant de « foyer de contre-révolution »

 

 En 1813, le pont-levis est remplacé par un pont de pierre. Plus tard, une large brèche sera faite dans la muraille ouest pour donner passage à la route.

 

Entre 1853 et 1863, dans un souci d’assainissement et de modernisation de la ville, les fossés sont comblés et des platanes sont plantés sur leur emplacement.

                                                                       ***

L'étonnement est grand si l'on vient un Dimanche en visite et que l'on constate n'être pas les seuls ; et de loin !

L'explication est étonnante elle aussi : en arpentant la petite rue circulaire, on arrive, ébahi, devant une ... LIBRAIRIE !  Librairie-Tartinerie dénommée "Des Livres Et Vous" 

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Les lecteurs habitués viennent ici farfouiller dans les rayonnages, au rez-de-chaussée et au premier étage, s'installent à l'une des tables pour feuilleter leurs découvertes, en toute simplicité, depuis les essais les plus pointus jusqu'aux éditions confidentielles de poésie.

 

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On chuchote comme dans une bibliothèque, mais on peut aussi le matin boire thé ou café, le midi déguster l'une des succulentes tartines concoctées par les libraires elles-mêmes, à 16 heures prendre un goûter avec les enfants qui ont eux aussi des rayonnages dédiés.

 

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Les maîtres-mots ici sont Poésie et Art. Rien de vulgaire ni même d'ordinaire. Jusqu'aux cartes postales qui sont inventives, ludiques, poétiques en diable...

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Hommage à tous ces libraires passionnés et généreux qui nous offrent (et nous vendent, bien sûr,  car il faut vivre pour faire vivre les livres !) le meilleur d'eux-mêmes.

 

Ici, en vitrine, on rappelle que :  

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5 juillet 2010 1 05 /07 /juillet /2010 12:33

Négligence à me pardonner SVP !

Trop de bougeote, de lectures, d'amis à voir, de pluie suivie d'intense chaleur, etc. m'ont baillonnée sur ce blog... Ce n'est pourtant pas faute d'idées d'articles.

J'étais revenue d'un séjour enchanteur chez des amis à Toulouse avec une floppée de photos de la belle "ville rose" et de souvenirs à raviver, mais je me suis contentée de poster quelques petits trucs sur Facebook ou dans ma boîte de messagerie personnelle.

Il est temps de remédier à cet àquoibonisme passager !

 

Commençons par quelque chose d'étonnant :

 

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En attente d'une conférence à la cinémathèque, j'arpentais les lieux - superbes - et je suis restée sidérée devant cette frise de... mais oui, regardez bien : l'Internationale !

 

Mon amie Elisabeth, incollable sur l'histoire de sa ville, m'a éclairée :

 

cette frise a été découverte au moment de la création, ou de la rénovation, de la cinémathèque...

Avant c'était une salle de théâtre ( Théâtre du Taur, dans la rue du même nom ) où sont passés en autres Brassens, Atahulpa Yupanqui, Paco Ibanez, le Cuarteto Cedron, Magma...

 

C'était, à la Renaissance, une école d'art, puis le lieu  a accueilli  les syndicats et les réfugiés du parti socialiste espagnol, d'où sans doute cette frise incroyable...

 

Je n'en resterai pas là. Promis !

 

 

 

 

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25 mai 2010 2 25 /05 /mai /2010 11:40

(Oui, j'ai tardé, pardon ! mais : " Tout vient à point à qui sait attendre"...)

 

Alger. Parcours Maurice Audin. 2003

 

Parcours-Maurice-Audin-Alger-2003.jpg

" J'ai été invité pour une exposition sur le thème de l'Algérie, dans laquelle il y avait beaucoup  d'artistes algériens et dont l'idée était de traiter l'Algérie aujourd'hui.

Je ne me sentais pas, en étant français et en ayant aussi été, en plus, militaire en Algérie !, de traiter de l'Algérie d'aujourd'hui. Je pensais que c'était aux jeunes artistes algériens de se coltiner avec ces problèmes qu'ils ont et je pensais aussi qu'il y avait une grande nécessité d'apaiser nos relations avec l'Algérie  - pays que j'aime beaucoup - et qu'on ne peut pas le faire sur tous ces silences, tous ces non-dits de la torture, de tout ce qu'il s'est passé...

Alors une révélation, une nuit : il m'est apparu que le drame de Maurice Audin, probablement tué par des parachutistes français et dont on n'a jamais su ce qu'il était devenu, donc que cet homme, ce corps disparu, incarnait tout ce silence, tout ce non-dit; "

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Un film montre E. Pignon-Ernest en train de désigner à de très jeunes algérois l'immeuble où vivait Maurice Audin :

" C'est là qu'il a été arrêté par les parachuitistes. Sa femme m'a dit il y a quelques jours : Il est parti ce jour-là et je ne l'ai plus jamais revu..."

 

" Ce type est mort à 23 ans. Il avait déjà trois enfants, grand mathématicien, c'est un gâchis terrible ! et si on avait écouté des gens comme lui, on aurait fait l'économie de tous ces drames. !

On a rencontré beaucoup de gens. L'un m'a dit qu'il avait été emprisonné avec Henri Alleg. Ils se sont mis à parler de leurs souvenirs, de la torture, des gens qui ont mon âge, la soixantaine, qui ont beaucoup plus souffert de la guerre d'Indépendance et d'autres, après ; c'est très inégal. 

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Même Place Maurice Audin, les gens ne savaient pas qui il était, que c'était un martyr de la lutte pour l'indépendance de l'Algérie. J'étais un peu déçu...Certains pensaient que c'était un nom français de la période coloniale...

C'est dommage !

Alors la présence de mes images dit l'absence ; son absence...

 

                                                                                           *

 

Parcours Genet. Brest. 2006

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" Je me nourris plus de la lecture de Genet, ou de Desnos, que de la peinture ! Ce sont des choses qui contribuent à nourrir mon regard sur notre monde. Leur poésie, leur écriture, c'est comme une espèce d'interrogation .

Genet, c'est comme un parcours, une façon d'interroger ce qu'il dit des hommes.

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Dans mon dessin, il y a à la fois l'idée d'une rixe, d'une violence, d'une lutte et, en même temps, ça a l'air d'une descente de croix car, chez lui, il y a tout ça : l'idée de la trahison et une quête de rituel et de sacré.

Je n'arrivais pas à exprimer ce qu'il y a dans son oeuvre à travers la représentation de sa personne, je ne saurais dire pourquoi.

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Il y a, dans mon travail, une quête de spiritualité, c'est sûr.  Dans mes derniers travaux sur les grandes mystiques, c'est plus explicite mais c'est déjà là dans tout le travail sur Naples, dans d'autres images aussi."

 

 

                                                                                               *

Extases. 2008

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"Je suis athée, mais l'image de la mort s'incarne bien dans l'image du Christ. Même si l'on est athée, ça fait partie de notre culture. Toute l'histoire de la peinture, de la musique, de l'architecture est nourrie de ça.

Mon premier voyage, à 18 ans, c'était à Tolède, à la cathédrale de Tolède, pour voir les Greco et le suivant a été à Florence pour voir les Simone Martini, Fra Angelico, tout ça...

 

                                                                                              *

 

Parcours Mahmoud Darwich. 2009

  

" Mahmoud Darwich était venu me voir et m'avait suggéré de venir moi aussi lui rendre visite à Ramallah.

La perspective était donc de le voir là-bas mais entre temps... il est mort !  Il devient un peu un mythe.

Quand je disais que Neruda était la voix du Chili, Mahmoud Darwich est la voix des Palestiniens. Il a vécu leur drame et il est leur parole."

 

E. P-E colle le portrait de M. Darwich sur un mur et s'enquière du sens d'une affichette en arabe auprès de badauds attroupés ) :

 

" Et l'on assassine la mémoire des choses : la pierre, le bois, le verre, 

  le fer, le ciment volent en éclats comme les êtres. "

 

" Le coton, la soie, le lin, les cahiers, les livres se déchirent,

  comme les mots que leurs propriétaires n'ont pas eu le temps de dire "

 

( Les passants -surtout des hommes...- aident E. P-E à dérouler et à coller les portraits et tous reconnaissent Mahmoud Darwich dont ils collent aussi avec plaisir et respect  les extraits de poèmes :

 

" Nous serons un peuple lorsque nous respecterons la justesse et lorsque nous respecterons l'erreur. "  

 

E. P-E leur demande si ce n'est pas mal compris, cet affichage et ces paroles. Les jeunes disent que non, que tout ça est vrai et ils applaudissent. 

Des gens plus âgés lui parlent, dont une femme, avec animation ; il fait signe qu'hélas il ne comprend pas leur langue.

 

Partout où il colle, on l'aide, on le félicite et on discute près du portrait sur la lecture des poèmes :

" Et la terre

se transmet comme la langue.

Notre histoire est notre histoire.  

 

Mahmoud Darwich

 

 

 

Paris. Octobre 2009 : interview d'E. P-E :

" La surprise la plus grande, c'est la qualité de la réception de mon travail ! Je veux dire, tout le monde reconnaissait Mahmoud Darwich, même quand je collais à 11 heures du soir dans un marché, vraiment ! Donc, ce n'est pas une petite catégorie de gens qui le connaît, lui et son oeuvre.

C'est un peu l'idée qu'il est la parole de la Palestine et ça a dû lui poser problème, car les gens ont tendance à "réduire" son oeuvre à ça... alors maintenant, je ne dis plus que c'est un poète palestinien mais un poète universel !        

                                                      

Je suis allé à Hébron, c'est une ville plus difficile, plus complexe que les autres, il me semble, et qui va donc exiger un travail plus long, c'est l'un de mes objectifs si je retourne en Palestine, travailler sur Hébron. 

 

Mais en même temps, j'ai d'autres choses en tête que je souhaite faire : il y a des villes abandonnées dans le désert d'Atacama au Chili et l'idée de faire des images dans une ville où il n'y a personne me tente beaucoup ! Ce sont des villes chargées d'histoire, qui ont été des mines, des prisons... Je travaille en ce moment sur toute une documentation.

 

Mais je voudrais aussi poursuivre mon parcours Desnos à Compiègne, à cause de ses poèmes et peut-être un jour à Terezin ..."

                                                         

                                                                                          ***

 

Cette série d'articles a été rédigée d'après, entre autres, le DVD du film intitulé

Ernest Pignon-Ernest..PARCOURS " de Laurence Drummond et Patrick Chaput, édité par Plaisir d'Images en 2009. On peut se le procurer (voir leur site : www.plaisirdimages.fr) en adressant un chèque de 30 E au 32 rue Falguière 75015 Paris.

 

On peut aussi en apprendre davantage sur le site de l'artiste http://www.pignonernest.com/ qui y liste tous les livres, films, etc à propos de son travail et y indique son actualité.

 

De nombreux articles lui sont consacrés par d'autres auteurs passionnés, par exemple :

http://www.lesartistescontemporains.com/

http://imagesrevues.org/Article_Archive.php?id_article=11

 

J'espère avoir suffisamment suscité votre intérêt pour vous inciter à suivre l'actualité de ce dessinateur hors pair, poète et homme engagé dans son époque - la nôtre.

 

 

 

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30 avril 2010 5 30 /04 /avril /2010 09:06

 

Souvenons-nous que l'artiste avait rencontré Nelson Mandela (voir suite 2) et que l'Afrique du Sud lui tenait à coeur. Il s'y rend ensuite plusieurs fois alors que le pays est ravagé par le sida.

 

Soweto - Warwick. 2002

 

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       " Je suis allé plusieurs fois en Afrique du Sud. J'ai été invité à faire des conférences sur mon travail et partout, à Prétoria, Le Cap, Johannesburg, Durban, on m'a dit "avec ce que vous faites, il faut travailler avec nous sur le sida".

 Johannesburg-2002.jpg

       Alors j'ai fait un "voyage sida". J'ai vraiment fait un voyage dans les cliniques, les hôpitaux, j'ai renconré les mécecins, les associations, tout  le monde. Et l'image est venue de ces voyages, de ces rencontres.

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        Il y avait le sentiment que pour vaincre la maladie il fallait réussir à en faire une grande cause nationale, lutter contre la maladie comme on avait lutté contre l'apartheid, assimiler, superposer les deux luttes.

 

 

        J'ai bâti mon dessin de manière à ce qu'en voyant mon image sur le sida on pense à Hector Pieterson, jeune garçon tué en 1976 (lors d'un soulèvement étudiant à Soweto la police avait tiré sur les jeunes protestataires et le cadavre d'Hector Pieterson, 12 ans, avait été porté en tête de manif par l'une de ses camarades. Cette photo a fait le tour du monde).

Hector-Peterson.jpg

Cette photo était devenue l'emblème de la lutte contre l'apartheid.

Afrique-sud--sida.jpg

       Et puis les rencontres imposaient aussi essentiellement le rôle des femmes : tous sont persuadés que s'ils arrivent à éradiquer la maladie, ce sera grâce aux femmes et à leur rôle dans la société. Donc mon dessin est bâti sur cette idée : la femme qui est là peut être aussi bien la mère, la soeur, l'infirmière, la fiancée : elle est bâtie comme le pilier du dessin, qui s'appuie complètement sur elle. Elle est comme une colonne, bien trop grande. Elle a des mains deux/trois fois trop grandes (et les gens croient que je fais des trucs trop réalistes !). Tout repose, comme ça, sur elle.Afrique-du-Sud.jpg

 

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J'ai choisi les lieux selon ce qu'ils portaient de désir de vie, avec les gens du quartier de Soweto, des lieux où il y avait des enfants, des lieux de vie quotidienne, avec un potentiel de vie très, très fort. Voilà.

 

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Intervenir comme ça dans les lieux de la vie sociale, de la vie quoi, fait que l'oeuvre a un autre type de résonnance. Je ne veux pas dire que c'est mieux, mais l'expérience de la rencontre est vécue différemment : elle est vécue comme une expérience personnelle, pas du tout comme dans un musée ou une galerie. Le fait que je travaille les personnages grandeur nature y contribue aussi. Il y a autre chose : presque une espèce d'identification, quelque chose qui va dans ce sens.

 

 

 

 

 (Suite 8, bientôt)

 

 

 

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25 avril 2010 7 25 /04 /avril /2010 17:23

A la demande générale, voici l'article suivant transcrivant les propos de l'artiste :

 

Derrière la vitre. 1996

 

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" Après les murs, les moulures, la richesse de Naples, je me suis dit : je vais prendre un truc qui en est le contraire ; plastiquement.

Un lieu froid, aseptisé, du verre, du métal, un objet contemporain de communication.

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            0017-35.jpg 

C'est comme ça que j'ai essayé de travailler dans les cabines téléphoniques, avec cette contradiction que ça porte : c'est un objet de communication mais dans lequel on est isolé... et en même temps il y a une lumière dessus et ça a un côté assez théâtral, cet objet ! 

J'ai choisi toujours des endroits où il y a des reflets de lumière qui zèbrent les personnages,qui les traversent : des feux rouges, des pharmacies, des trucs comme ça.

 

 

 

  

 

 

 

  

 

 

 

 Il y a superposition de la ville contemporaine, très vivante, très colorée, très lumineuse qui vient stigmatiser les personnages, voilà. D'ailleurs, je les ai faits beaucoup plus noirs qu'à l'habitude, dans cette perspective. "

 

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                                                                           *  

 Artaud. 1997

 

Artaud-2.jpg

 

" J'essaie - ça a l'air bête de le dire - quand je fais un portrait, que ça ressemble aux gens. Ce n'est pas toujours le cas tout le temps d'après d'autres choses que je vois... Mais quand c'est un poète, je voudrais qu'on sente son oeuvre aussi.

J'ai travaillé sur Desnos, Nerval, Rimbaud, Artaud. J'ai lu leur oeuvre, j'ai essayé de m'en imprégner et j'essaie de travailler à ce que leur portrait leur ressemble mais dise aussi cette oeuvre : en même temps leur singularité et ce qu'il y a d'universel dans le visage d'un homme.

 

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                                                                             *

Parcours Desnos. 2001

 

" Desnos, j'espère que ce sera un parcours ! Moi, je suis passionné par Desnos, son oeuvre, sa curiosité, sa personnalité. C'est le premier qui prend conscience, il me semble, du cinéma, de la radio et tout ça. Moi, j'aime beaucoup Desnos et je voulais faire le lien avec Gérard de Nerval.

J'ai collé l'image à cinq mètres près du lieu où Gérard de Nerval s'est pendu et c'est un lieu très intéressant parce que Desnos dit toujours qu'il est né sous le signe de la Tour Eiffel et ce bâtiment, là, qui est construit où Nerval s'est suicidé, est fait par un architecte contemporain d'Eiffel, avec une structure métallique.

 

Desnos-Nerval-2001.jpg

Donc, c'est ce que je disais : prendre l'idée plastique du lieu et le souvenir enfoui, oublié, de Gérard de Nerval. Voilà !

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 suite n° 7 bientôt...

 

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14 avril 2010 3 14 /04 /avril /2010 12:01

( c'est toujours l'artiste qui s'exprime ) :

                                                                         *

 

Prométhée. 1982

 

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" Je suis parti de l'image du savant Oppenheimer. J'avais vu cette image où Oppenheimer est lui-même comme un oiseau : dans une conférence, pour parler du temps, je crois, il avait sauté ! et je suis parti de cette image que j'ai associée à des lieux qui portaient le feu, où des choses avaient l'air de sortir de la terre.

 

 

 

 

               

 

 

                                    

 

Les "Arbrorigènes". 1983

 

Pour le travail que j'avais fait dans les arbres, les Arbrorigènes, je m'étais rendu compte que j'avais fait des hommes et des femmes qui étaient des végétaux. Et j'ai découvert peu à peu, en le faisant, que j'avais traité un mythe universel : les hommes et les femmes naissent des arbres, ou le deviennent, comme Daphné, Narcisse... 

 

   Arbrorigenes.jpg    

Arbrorigene.jpg             

 

Et ça m'avait fait mesurer à quel point je manquais de culture pour ce qui concerne la mythologie, les religions. 

Je m'étais dit qu'il fallait que mon travail suivant permette d'interroger un peu tout ça.

 

Arbrorigene 2

 

                                                                       ***

  

Napoli. 1988 à 1995.

 

Napoli.jpg   

 

                

En écoutant une émission de Philippe Hersant sur la musique napolitaine, j'ai été scié... Je me suis dit : voilà une ville qui a donné naissance à la musique de Gesualdo, la plus sophistiquée, la plus étrange, la plus incroyable, et à celle de Pergolèse, Cimarosa et, en même temps, à ... " Sole mio " !

Ce grand écart que porte cette ville...

J'ai pris un billet et deux jours après je suis allé à Naples, je me suis dit : je vais voir là, c'était vraiment une initiative sur un coup de coeur.

 

Donna-con-lenzuolo-2.jpg 

 

 

 

Si je travaille la nuit, c'est pour plusieurs raisons.

D'une part parce que le papier est très fragile, mais quand il est mouillé, rempli de colle, on peut le décoller comme ça, on le prend à la main et on l'enlève.

Et puis il y a une raison purement plastique. Quand je mets une image dans un lieu, je fais du lieu un espace plastique. Quand je suis là, la nuit, je suis comme un peintre qui a toute sa palette là. J'ai le lieu auquel j'ai réfléchi, j'ai l'image et je peux la mettre au centimètre près là où il faut parce que je sais comment les gens vont la découvrir et j'aime bien qu'elle soit découverte au matin...Si on colle dans la journée, ça désamorce un peu le projet.

 

 

 

 

 

            

Le travail de Naples a été un peu pour moi une interrogation sur ce qui fait une culture de méditerranéen que je n'avais pas avant. J'ai lu Virgile, l'Enéide...

Naples, en fait, permettait de réfléchir sur ces glissements entre mythe grec, mythe romain, mythe chrétien : au fond, tout du long, c'est une interrogation là-dessus, sur ces représentations de la mortEpidemies--1990.jpg.

 

Ange-mutile-a-Montauban-par-des-integristes-catholiques.jpg 

* Ange mutilé par un(e) pudibond(e) !     

 

L'une des choses qui me plaisent dans mon travail, vraiment, c'est qu'il va disparaître...

Et c'était d'autant plus juste à Naples puisque je traitais beaucoup d'image liées à la mort. Donc, leur fragilité participait de tout ce que j'avais mis dans les dessins, qui parlaient de mort.

      Le-soupirail-Naples.jpg

En les voyant, il y avait cette espèce de contradiction : on voyait que c'étaient des dessins très élaborés, très chargés de boulot, de références, de citations et puis on se rendait compte en même temps que c'était un papier pourri et que ça allait se mettre à disparaître...

Je joue beaucoup de cette contradiction, mais c'est un élément de ma palette.    Mort-de-la-Vierge-d-apres-le-Caravage.jpg

Il y a chez Pasolini, ou Caravage, ce fait de traiter les grands thèmes bibliques avec des gens de la rue et c'était une évidence qu'en inscrivant mes images dans les rues de Naples il y avait cette filiation !

L'apparition d'une image dans la rue change le regard qu'on a sur les lieux. Les gens passent tous les jours dans une rue de Naples et tout d'un coup, il y a un personnage...

 

David-et-Goliath-Le-Caravage.jpg

David-et-Goliath-d-apres-Il-Carvaggio.jpg 

Alors, si le type sait que c'est David, ou Goliath, que c'est chargé de références à la Bible, au Caravage, c'est d'autant plus riche, mais la présence de l'image dans le lieu le fait regarder différemment, même pour quelqu'un qui ignore tout cela ! "

 (d'après le Caravage, à droite :)   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Concert-baroque-Paysan-convaincre-Wagner.jpg

 

Pour effectuer ses collages nocturnes, Ernest Pignon-Ernest réalise des dessins préparatoires en nombre, qui démontrent ses extraordinaires capacités de dessinateur.

En voici quelques exemples :

 

 44.jpg

   46.jpg  

54.jpg   

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Suite bientôt !!!

 

 

 

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3 avril 2010 6 03 /04 /avril /2010 16:44

 

Certaldo (Italie) - 1981 : Boccaccio. Pasolini.

 

" J'ai toujours eu une espèce de repère, Pasolini, comme Rimbaud.

J'ai été invité par la ville de Certaldo. C'est là que Boccace a écrit le Décaméron et j'ai donc fait d'abord un travail sur le Décaméron, avec des gens nus qui grimpaient à toutes les maisons. 

 

 

Boccace 1982 Toscana 

C'est une de mes rares interventions un peu drôles !

Et simultanément, en souvenir de cette présence de Pasolini là,

 

69.jpg

 

et du climat de cette ville à caractère un peu religieux, j'ai fait cette image de Pasolini ; comme un Christ renversé... (Note ci-dessous)

 

Pasolini-1980.jpg

 

 Bien que ma référence soit plutôt Picasso que Duchamp, je pense vraiment que mon travail, c'est comme un ready made : dans un ready made, on prend une chaise, on la met dans un musée et, parce qu'elle est dans un musée, elle devient le signe de La chaise. Et moi, je crois que je provoque une chose de cet ordre. Je pense que la présence du signe de l'Homme, que sont mes images mises dans un lieu, instille au lieu les caractéristiques d'un signe.

Je provoque un ready made sans passer par la case musée, mais c'est du même ordre !

 

 N.B. : se souvenir qu'à l'aube du 2 Novembre 1975, l'immense écrivain, poète, dramaturge, essayiste, peintre et cinéaste, Pier Paolo Pasolini, avait été retrouvé mort, atrocement frappé et mutilé, sur un terrain vague aux abords de la plage d'Ostia, dans un décor extraordinairement identique à celui de son premier film. Troublant qu'il ait pressenti cette mort violente, accomplissement de son destin, comme un héros de l'Antiquité !

Marxiste et gay, c'était un perturbateur et un empêcheur de penser en rond : il fallait faire taire le prophète !

Les circonstances exactes de sa mort n'ont jamais été élucidées par les autorités politico-judiciaires de l'époque dans cette Italie Démocrate-Chrétienne et un jeune paumé, arrêté au volant de la voiture de PPP, a payé seul ce crime perpétré en réunion.

La voix (pourtant si douce) de Pasolini résonne encore trente-cinq ans après sa mort, car cet oiseau de mauvais augure avait dénoncé avec une bouleversante pertinence tous les maux qui atteignent nos sociétés actuelles . ( Relire ses Ecrits corsaires )

 

                                                                                             ***

 

Santiago (Chili). Pablo Neruda. 1981.

 

Quand il y a eu le coup d'état au Chili, nous avions accueilli des artistes chiliens à Paris.

Ils m'ont dit : " Tu sais, ceux qui sont restés là-bas se sentent coupés de tout ". Ils voyaient que je faisais des ateliers et des images et ils m'ont suggéré d'aller là-bas travailler avec leurs amis qui étaient restés à Santiago.

Donc, je suis allé là-bas. J'ai fait un atelier à Vitacura et là, comme une évidence, s'est imposée l'image de Pablo Neruda : il incarnait le Chili, la résistance, la poésie, tout ça. 

 

Il y a eu. un moment incroyable ! Les amis m'ont dit : " Ecoute, on ne pourra pas mettre un visage de Neruda dans les rues de Santiago sans le montrer d'abord à Mathilde " . Alors, j'étais un peu impressionné.

Je suis rentré chez elle et je me suis trouvé en tête-à-tête avec Mathilde Neruda. Donc, j'ai déroulé mon dessin sur la table et Mathilde était en face. Elle était très belle, elle avait un côté Irène Papas, comme ça, enfin, elle m'impressionnait  beaucoup... Alors je déroule le dessin et elle, elle reste silencieuse ; longtemps.

 

Neruda.jpg

 

Enfin elle me dit : " Pablo n'était jamais comme ça. "

Alors moi, j'étais vraiment... Et elle reste toujours silencieuse...

Puis elle me dit : " Mais vous avez raison, aujourd'hui, il serait comme ça : grave et résolu !

Voilà. Elle m'a dit ça en français. Et après elle a dit : " On va boire. Je vous ai dit que Pablo n'était jamais comme ça, parce qu'il riait toujours. Quand on nous a expulsés, il est monté sur le bateau et il a dit : ' Champagne pour tout le monde ! ' et là, vous l'avez fait tellement grave... Mais, oui, vous avez raison ! " Voilà.

Ca a été un moment extraordinaire !

 

                                                                                       ***

 

Martigues. 1982 ---

 

A Martigues, j'étais invité par le Musée et dans les réserves du Musée j'ai trouvé un portrait de la fin du XIXème siècle, le portrait de la Martégale : c'était la femme type de Martigues. Il y avait quelque chose de très intense dans ses yeux, qui me paraissait comme profondément méditerranéen.

 

  La Martégale

 

 

Mais à ce moment-là il y avait beaucoup de racisme dans le coin, on était à côté de Vitrolles, je me suis dit que cette femme pouvait aussi bien être de l'autre côté de la Méditerranée...

J'ai travaillé cette image-là et je l'ai collée à la fois dans des lieux  qui affirmaient le côté provençal et dans des lieux qui annonçaient les bouleversements qu'allait amener l'arrivée de la pétrochimie, de la sidérurgie. Partout, des flammes... 

Un truc qui m'a amené à repenser à l'image de Prométhée... "

                               

                                                                                      ***

 

Prométhée... (promis :-) ce sera en suite 5, bientôt !

 

 

 

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13 mars 2010 6 13 /03 /mars /2010 22:54

En cette triste journée où Jean Ferrat  - de son vrai nom Jean Tenenbaum -  nous a quittés en nous laissant ses inoubliables chansons, je veux insérer entre deux articles sur Ernest Pignon-Ernest le magnifique portrait que cet artiste avait dessiné de lui en 2004.


Jean-FERRAT--2004---Centenaire-de-l-Huma-Dimanche.jpg

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